Partage d'expérience 

Découvrez les projets de MSF qui ont pris des mesures
pour inclure les personnes en situation de handicap.

Membres du groupe de travail sur la diversité et l'inclusion, MSF UK. Photo par Sandy McKee.

“Le changement peut venir de n’importe qui, mais il doit commencer de l'intérieur”


Interview avec des membres du groupe de travail sur la diversité et l’inclusion au sein de MSF UK sur l’importance de la diversité et de l’inclusion, l’engagement de base qui déclenche le changement, et de nouvelles idées pour faire avancer l’inclusion dans les politiques et les bureaux de MSF.   

Photo : Severine Sajous.

Créer un espace inclusif pour les patients dans le camp de réfugiés de Bourj el-Barajneh


Bourj el-Barajneh est un camp de réfugiés au sud de Beyrouth, au Liban. Il a été créé il y a environ 70 ans par la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge en réaction à l’afflux de réfugiés palestiniens. Depuis lors, la population du camp n’a cessé de grandir avec l’arrivée de vagues de réfugiés de Syrie, d’Egypte et d’Iraq, ainsi que de migrants libanais. Aujourd’hui, avec plus de 18 000 personnes vivant dans un espace d’un kilomètre carré, Bourj el-Barajneh est la zone la plus densément peuplée de Beyrouth. Médecins Sans Frontières y fournit des soins de santé mentale et reproductive ainsi que des activités de promotion de la santé aux patients confrontés à des expériences traumatiques, à des conditions de vie difficiles et à des barrières d’accès à l’assistance médicale. Bien que de nombreux réfugiés soient affectés par des maladies chroniques, une mobilité réduite, des conséquences de blessures dues au conflit ou des problèmes en santé mentale, les barrières d’accès aux soins demeurent particulièrement fortes pour les personnes en situation de handicap. Afin de répondre à ces besoins pressants, l’équipe de MSF a choisi l’inclusion des personnes handicapées comme l’un des objectifs stratégiques de la construction de son nouveau centre familial à Bourj el-Barajneh. Dr Laura Rinchey, référente médicale du projet, et Harald Lognvik, point focal de construction, expliquent pourquoi et comment cette initiative a été réalisée.

Celumusa Hlatswako (à gauche), conseiller mobile de MSF, parle en langage des signes avec Thulie (à droite), une patiente atteinte de MDR-TB non sourde, lors d'une formation en langage gestuel. Thulie est guérie mais elle voulait apprendre la langue des signes pour aider d'autres patients et d'autres personnes sourdes dans sa communauté. Clinique Matsapha, région de Manzini, Swaziland (Eswatini). Photo : Alexis Huguet.

Inclusion des personnes malentendantes dans MSF Swaziland (Eswatini), clinique Matsapha 

Lorsque le projet MSF au Swaziland (Eswatini) a été confronté à une perte auditive parmi 40% des patients atteints de tuberculose résistante aux médicaments (TB-MR) comme conséquence directe du traitement, le projet a répondu en créant un environnement inclusif pour les patients malentendants. Les avantages à long terme de leurs actions ont eu un impact positif sur l'accessibilité générale aux soins de santé pour les personnes sourdes au Swaziland.

Bien que les mesures prises par ce projet aient une portée verticale, tandis que le projet TIC concentre son effort en premier lieu sur l’intégration des personnes handicapées dans les projets existants, plusieurs aspects rendent l’expérience acquise par ce projet très pertinente, comme souligne dans le texte ci-dessous. Continuez à lire pour savoir comment ce projet a été développé et quelles leçons vous pouvez en tirer pour votre propre projet.





  

Membres du groupe de travail sur la diversité et l'inclusion, MSF UK. Photo par Sandy McKee.
“Le changement peut venir de n’importe qui,
mais il doit commencer de l'intérieur”

Interview avec des membres du groupe de travail sur la diversité et l’inclusion au sein de MSF UK : Elisabeth Stodel, Stewardship and Campaign Officer ; Romelia Anthony, Office Manager ; Patrick McConnell, HR Manager Field Staffing ; et Iain Bailey, Senior HR Business Partner – sur l’importance de la diversité et de l’inclusion, l’engagement de base qui déclenche le changement, et de nouvelles idées pour faire avancer l’inclusion dans les politiques et les bureaux de MSF.   

Qu’est-ce qui vous a inspiré à travailler sur la diversité et l’inclusion dans le bureau MSF UK ? Quel a été le déclencheur ?
Elisabeth Stodel (E.S): Je pensais que nous étions raisonnablement inclusifs pour commencer – mais à un certain moment nous avons suivi la formation de l’OCA sur la diversité et l’inclusion, et nous avons compris que beaucoup de choses pouvaient être améliorées. La formation a implanté l’idée de l’inclusion dans les esprits. Cela a permis à notre personnel de s’exprimer sur les domaines dans lesquels nous pourrions devenir plus inclusifs.  

Comment votre travail sur la diversité et inclusion est organisé ?
E.S.: Nous avions commencé à organiser tous les trois mois la formation sur la diversité et l’inclusion. Puisque de plus en plus de personnel y assistait, de plus en plus de suggestions sortaient de ces ateliers – des idées de ce que nous pourrions faire pour rendre notre bureau vraiment diversifié et inclusif. Il n’y avait aucune possibilité de les canaliser, aucune personne pour les mettre en action. C’est pour cela que quelques personnes qui avaient assisté à la formation et qui étaient passionnées par la question ont constitué un groupe de travail. Il est basé entièrement sur l’engagement individuel, et comprend 20 à 30 membres. Nous essayons de nous assurer que chaque département est représenté, et que nous avons des membres de liaison dans l’équipe de gestion et dans les RH et Office, pour couvrir toutes les questions clés. Nous avons pris les suggestions que nous continuions de recevoir après les formations, et on a commencé à les utiliser comme catalyseurs de changement. Sans laisser entendre que le groupe de travail peut à lui seul introduire tous ces changements, nous essayons de sensibiliser les personnes clés qui ont le pouvoir de changer les choses. 

Romelia Anthony (R.A.) : Le groupe de travail est devenu une excellente plate-forme pour démarrer la conversation. Avant qu’on n’ait introduit la formation et établi le groupe, il n’y avait pas vraiment  de débat sur la diversité et l’inclusion. Maintenant, cela est devenu un aspect important de notre façon de travailler et de l’organisation que nous voulons être.

Le groupe de travail s’appuie donc sur l’engagement de la base plutôt que sur une approche « top-down ».
E.S. : Exactement. Même la formation est effectuée par des bénévoles du groupe de travail. Tout le monde peut postuler pour devenir facilitateur – nous avons des termes de référence pour cela – et nous encourageons les gens à contribuer davantage à ce mouvement. 

Comment devient-on facilitateur ?
E.S.: Les premiers facilitateurs ont suivi la formation des formateurs à Amsterdam. Elle est assez intense, focalisée sur la conscience de ce que les gens pourraient dire et ressentir, car la formation peut devenir assez personnelle et sensible, et nous devons en être conscients. Au cours de ces prochains mois, nous organiserons une formation des formateurs pour de nouveaux facilitateurs ici à Londres. La formation est nécessaire pour devenir un facilitateur, mais en même temps, nous souhaitons que toute personne intéressée et passionnée par le sujet puisse avoir une telle opportunité.  

Les formations sur la diversité et l’inclusion, sont-elles réservées aux staffs de MSF UK, ou incluez-vous des collègues d’autres sections ?
E.S.: L’inclusion de collègues travaillant pour d’autres sections de MSF est une nouvelle idée. Un collègue de MSF Grèce s’est joint à notre dernière session, et cela a déjà encouragé MSF Grèce à organiser son propre atelier sur la diversité et l’inclusion. Tout d’un coup, nous voyons que c’est un moyen simple et efficace de faire passer le message et d’inspirer les autres. Nous avons décidé que dans chaque formation, nous réserverons une place pour quelqu’un venant d’un autre bureau ou du terrain. Bien que tout ne soit pas complètement pertinent pour eux, car la formation est concentrée autour le bureau à Londres, la participation peut les encourager à organiser leur propre formation, adaptée au contexte local.  

Voyez-vous un lien entre l’avancement de l’inclusion dans nos bureaux et sur le terrain ?
Patrick McConnell (P.M.) : Nous reconnaissons les différences entre les deux, mais à la racine, l’impulsion est là, à la fois pour le terrain et pour les bureaux. Tout au long de cette année, selon notre plan annuel, nous voulons que la diversité et l’inclusion soient beaucoup plus présentes dans nos activités, et pas seulement dans le travail quotidien et dans le recrutement, mais aussi dans différentes formations : formations au leadership, journées d’accueil – donc l’induction et l’orientation, et tout autre point de contact où nous pouvons faire prendre conscience. 


« Nous voulons donner à nos agents de terrain les outils leur permettant de devenir des catalyseurs de changement : de transmettre le message dans leurs contextes spécifiques et d’avoir un impact positif sur la diversité et l’inclusion sur le terrain ».

Cette concentration sur les agents de terrain en tant que catalyseurs de la diversité et de l'inclusion se traduit-elle par des changements dans le recrutement du staff terrain ? Sommes-nous prêts à être plus inclusifs dans ce domaine ?
P.M .: Il est nécessaire de revoir nos processus et nos activités, pour avoir une meilleure idée des pratiques inclusives, de ce qui est faisable et de ce qui est idéal, et d’examiner notre recrutement dans le cadre  de la diversité et de l’inclusion. En tant que recruteurs, nous avons suivi des cours sur les biais inconscients, mais nous souhaitons revoir la façon dont nous mettons cette connaissance en pratique. Nous pouvons certainement capitaliser sur ce que nous faisons déjà pour améliorer notre recrutement. 

Qu’en est-il de la diversité et de l’inclusion dans le recrutement du personnel de bureau et dans une perspective RH plus large ?
Iain Bailey (I.B.) : Il y a des lacunes, mais aussi des opportunités d’amélioration. Notre processus  de recrutement n’est pas anonymisé, ce qui crée des risques de biais inconscient dans la présélection. Nous n’avons pas de politique officielle qui garantirait l’équilibre des genres dans les panels de recruteurs. Alors que les managers sont formés aux techniques d’entretien, cela n’est pas obligatoire ; une formation obligatoire aiderait à combler cette lacune. MSF a déjà une politique d’égalité des chances, et tous les nouveaux employés sont encouragés à la lire. Cela pourra être renforcé si on demande à chaque nouvel employé de signer un document confirmant qu’il l’a bien lue. Veiller à ce que la formation sur la diversité et l’inclusion soit prévue pour tous les nouveaux employés soutiendrait davantage la compréhension  et la mise en œuvre de la politique. Nous pourrions également améliorer les opportunités d’apprentissage et de développement. Elles sont proposées à tout le personnel, mais il n’y a pas de liste de contrôle pour s’assurer que tous les groupes peuvent y accéder de manière égale. Quelques simples ajustements, tels que l’organisation de cours à des moments accessibles à ceux qui travaillent à temps partiel ou la sélection d’emplacements adaptés aux personnes handicapées, pourraient être ici une solution rapide. 

Que faudrait-il pour intégrer des ajustements raisonnables dans nos processus de recrutement de manière plus systématique ?
I.B.: MSF demande déjà aux candidats présélectionnés s’ils ont besoin d’ajustements raisonnables avant un entretien. Cependant, nous pouvons faire beaucoup plus. Le département des ressources humaines a récemment travaillé avec Leonard Cheshire, l’une des principales ONG britanniques pour les personnes en situation de handicap, avant d’accepter possiblement un stagiaire avec un handicap pendant l’été. Nous avons participé à un centre d’évaluation pour le recrutement de stagiaires, et nous aspirons à intégrer les leçons apprises dans nos pratiques existantes. Cela nous permettrait d’intégrer des ajustements raisonnables de manière plus systématique, à un coût négligeable. Les réactions de collègues en situation de handicap à notre processus de recrutement pourraient éclairer de bonnes pratiques dans le futur et appuyer les changements de politiques, pour assurer que des ajustements raisonnables sont implémentés. Nous pourrions demander des commentaires aux candidats retenus lorsque leur accueil et intégration. 

Y a-t-il des sujets spécifiques dans le domaine de la diversité et de l’inclusion qui sont prioritaires pour votre bureau, ou des besoins urgents auxquels vous voulez répondre ?
R.A. : L’un de ces sujets est le handicap. L’année dernière, on a fait faire un audit du bureau qui nous a été remis avec des recommandations et des suggestions de changements. Nous les regardons maintenant, et l’idée est de faire autant que possible cette année pour rendre le bureau pour les personnes avec différents types de handicap. Il y aura toujours des défis avec les bâtiments plus anciens, en particulier à Londres, mais nous essaierons de rendre notre espace aussi adapté aux besoins des personnes handicapées que possible.

E.S. : Un autre sujet sur lequel nous nous concentrons actuellement est l’inclusion socio-économique : nous voulons assurer un accès égal au travail pour MSF pour tout le monde, quelle que soit leur origine. 

Qu'est-ce qui a changé dans votre environnement de travail depuis que vous avez lancé vos efforts ? Y a-t-il des solutions ou des étapes importantes dans l’avancement de l’inclusion que vous aimeriez discuter ou partager?  

E.S.: Nous faisons une enquête annuelle, demandant les commentaires du personnel. L’une des questions est de savoir s’ils se sentent représentés en termes de diversité et d’inclusion dans le bureau. Nous avons vu une amélioration considérable dans cette dimension. Ce qui s’est très bien passé, et ce qui assez simple à reproduire ailleurs, ce sont les événements thématiques. Nous avons organisé le Mois de l'histoire des Noirs, le Mois de l’histoire des femmes, des événements thématiques sur la communauté LGBT et la santé des hommes. Il y a eu beaucoup d’engagement autour de ces événements. Ils ont encore augmenté le nombre de suggestions du personnel concernant la diversité et l’inclusion dans le bureau et, même si tout le monde n’est pas nécessairement intéressé par chaque sujet spécifique, ils ont inspiré des réflexions sur d’autres choses. 

R.A.: Nous avons le groupe de travail sur la diversité et l’inclusion depuis environ dix mois. Puisque nous y sommes tous impliqués comme volontaires, en plus de nos tâches quotidiennes, nous devons demeurer réalistes quand il s’agit du temps que nous pouvons consacrer et du travail que nous pouvons faire. Après une période de test, nous avons une idée assez solide et un plan annuel, on peut donc proposer quelque chose de beaucoup plus ciblé. C’était une courbe d’apprentissage très utile.

Pensez-vous que MSF a besoin de créer des postes focalisés spécifiquement sur l’avancement de la diversité et de l’inclusion, ou serait-il contre-productif, car il y aurait moins d’engagement de la base et d’initiative individuelle ?
E.S.: Je pense qu’on a besoin des deux. On a besoin de l’engagement de la base, car sinon, les gens cesseraient d’être aussi impliqués, mais il est également difficile d’avoir suffisamment de temps pour faire tout ce que nous aimerions faire. Nous avons un membre du groupe de travail qui fait partie de l’équipe de gestion. Notre président du conseil d’administration et notre directeur exécutif ont participé à la formation sur la diversité et l’inclusion. Ils sont d’accord avec ce que nous faisons, et il serait difficile de continuer sans ce soutien. 

Dans votre perspective, quelle est la valeur de l’inclusion pour les organisations comme MSF ?
E.S. : Je pense que nous avons une obligation morale d’être inclusifs. 


« Nous sommes une organisation humanitaire, nous allons là où les besoins sont les plus pressants, et ignorer ou marginaliser certaines personnes seraient contraire à tout ce que MSF fait et défend. Il s’agit également d’une représentation adéquate de ceux que nous servons ». 

D’un point de vue opérationnel, plusieurs recherches montrent qu’avec une main-d’œuvre plus diversifiée, on accomplit plus – qu’il est judicieux d’être inclusifs.  

Avez-vous des conseils à partager avec ceux qui souhaiteraient développer des initiatives similaires dans leurs propres contextes ?
E.S.: Le changement peut venir de n’importe qui, mais il doit commencer de l’intérieur. Si tu es passionné par les questions de la diversité et de l’inclusion, parles-en et n’abandonne pas – continue à en parler jusqu’à ce que les choses changent. Nous invitons tous à rejoindre notre formation ; nous gardons toujours une place pour quelqu’un venant d’une autre section ou du terrain. Nous sommes également heureux de partager nos expériences et conseils sur la façon de créer votre propre groupe de travail. 

Photo : Severine Sajous.
Créer un espace inclusif pour les patients dans le camp de réfugiés de Bourj el-Barajneh 

Bourj el-Barajneh est un camp de réfugiés au sud de Beyrouth, au Liban. Il a été créé il y a environ 70 ans par la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge en réaction à l’afflux de réfugiés palestiniens. Depuis lors, la population du camp n’a cessé de grandir avec l’arrivée de vagues de réfugiés de Syrie, d’Egypte et d’Iraq, ainsi que des déplacés libanais. Aujourd’hui, avec plus de 18 000 personnes vivant dans un espace d’un kilomètre carré, Bourj el-Barajneh est la zone la plus densément peuplée de Beyrouth [1]. Médecins Sans Frontières y fournit des soins en santé mentale et reproductive ainsi que des activités de promotion de la santé aux patients confrontés à des expériences traumatiques, à des conditions de vie difficiles et à des barrières d’accès à l’assistance médicale. Bien que de nombreux réfugiés soient affectés par des maladies chroniques, une mobilité réduite, des conséquences de blessures dues au conflit ou des problèmes en santé mentale, les barrières d’accès aux soins demeurent particulièrement fortes pour les personnes en situation de handicap. Afin de répondre à ces besoins pressants, l’équipe de MSF a choisi l’inclusion des personnes handicapées comme l’un des objectifs stratégiques de la construction de son nouveau centre familial à Bourj el-Barajneh. Dr Laura Rinchey, référente médicale du projet, et Harald Lognvik, point focal de construction, ont expliqué pourquoi et comment cette initiative a été réalisée.

Un environnement difficile
Il peut être difficile de se déplacer à Beyrouth. Il y a des trottoirs étroits et endommagés, des voitures qui se garent partout, des ruelles sales et des surfaces inégales dans les quelques espaces verts de la ville – de nombreux défis pour les utilisateurs de fauteuils roulants et pour toute personne à mobilité réduite.  À Bourj el-Barajneh, il manque de bâtiments adaptés, et pour cela les cliniques de MSF opérant dans le camp ne sont accessibles que par des escaliers. Pour entrer la clinique spécialisée dans les maladies chroniques, on doit monter quatre volées d’escaliers, même si la majorité des patients sont âgés ou ont une mobilité réduite. Il y a seulement un escalier avec une rampe. La clinique est située à côté d’une école, et parfois des patients sont pris dans un essaim d’enfants – une expérience effrayante pour toute personne à mobilité réduite. 

Une rencontre révélatrice
Un jour, une femme enceinte en situation de handicap a été référée à MSF. Des années auparavant, elle avait eu un accident de voiture qui l’avait laissée paralysée et utilisatrice de fauteuil roulant. Elle savait bien que MSF offrait des soins prénatals à Bourj el-Barajneh, mais était trop gênée pour venir à la clinique. Maintenant qu’elle était enceinte de neuf mois, elle avait un besoin urgent de moyens pour l'accouchement de son enfant. Elle était très angoissée et n’a décidé de se tourner vers nous qu’en dernier recours. A l’arrivée, nos gardiens l’ont portée, en montant les quatre volées d’escaliers. Dans la salle d’attente, d’autres patients ont dû se lever ou bouger leurs chaises pour la laisser passer. Au moment où elle a atteint la salle de consultation, elle pleurait d’embarras. C’était tellement triste d’apprendre qu’elle n’avait pas cherché des soins plus tôt simplement parce que notre clinique n’était pas accessible, et de voir à quel point elle se sentait humiliée, à un moment où l’arrivée de son bébé aurait dû la remplir de joie.


Des adaptations provisoires

Dans nos cliniques à Bourj el-Barajneh, les staffs auraient souvent assisté les patients montant les escaliers pour chercher des soins. Les médecins et les infirmiers descendaient aussi pour consulter les patients à l’extérieur, dans leur voiture ou sur le trottoir. Alors que le projet travaillait avec une cinquantaine de patients à mobilité réduite, le personnel s’était habitué aux barrières existantes et s’était efforcé de répondre aux besoins sans changer le cadre de travail.

Voir les besoins et saisir les opportunités pour déclencher un changement  

« Quand nous avons décidé de fonder un centre familial qui intègrerait nos services actuels de santé reproductive et de santé maternelle, tout en développant cette dernière composante, j’y ai vu l’opportunité de proposer une clinique au rez-de-chaussée », explique Dr Laura Rinchey, référente médicale du projet.

Initialement, l’idée était simplement de déplacer la clinique pour les femmes à Bourj el-Barajneh du camp de réfugiés de Chatila. L’équipe envisageait un déménagement rapide et simple, mais les bâtiments disponibles ne répondaient pas à nos exigences, ni médicales ni logistiques, et nous avons choisi un effort de construction plus important. L’objectif était de mieux s’adapter aux besoins des familles et d’inclure autant de personnes que possible.  


« Si nous voulions être un centre familial digne de ce nom, il était impensable que les personnes en situation de handicap ne puissent pas rentrer dans le bâtiment ou aient des difficultés à le faire. Depuis que nous avons commencé à travailler sur ce projet, l’inclusion des personnes en situation de handicap est une priorité ».


Harald Lognvik, point focal de construction


Reconstruction

L’une des exigences de base était que tous les services soient disponibles au rez-de-chaussée, pour que le personnel médical puisse offrir des soins aux patients handicapés et atteints de maladies chroniques en les traitant avec dignité et confidentialité. Le fait d’avoir une salle multifonctionnelle au rez-de-chaussée permettrait de faire venir les médecins et les infirmiers vers les patients pour tout service dont ils pourraient avoir besoin.

D’un point de vue technique, c’était un défi considérable, compte tenu de l’agencement du bâtiment que nous avions choisi. On a dû aplanir l’espace autour de la réception et des escaliers, élargir les portes et les couloirs menant à la salle multifonctionnelle et aux toilettes, et poser à l’entrée une dalle de béton légèrement inclinée pour permettre aux personnes en fauteuil roulant de passer et de manœuvrer facilement.

Mobirise
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Il s’agit d’une considération supplémentaire, et non pas de frais supplémentaires

Pour assurer l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, il faut réfléchir différemment à la construction, qu’il s’agisse du nivellement du sol, des dimensions des portes, de la taille des pièces. Nous devons aussi penser au flux des patients et à l’aménagement de la clinique. Cela implique un plus grand besoin de changement, d’adaptation et de compromis – mais cela en vaut vraiment la peine. Un tel processus oblige l’équipe à réfléchir à deux fois à chaque décision, ce qui rend aussi plus probable qu’on arrive à une conception qui servira mieux tous les patients, avec ou sans handicap.

Des obstacles à la levée des obstacles ?

En dehors de la planification elle-même, le projet n’a pas vraiment rencontré d’obstacles à ce processus d’adaptation du centre aux besoins des personnes en situation de handicap. Il est tentant de penser que l’inclusion exige trop d’effort, de temps et d’argent. En réalité, ce n’est pas nécessairement le cas. Dans le projet à Beyrouth, à part le soin particulier accordé à la planification, le coût et les efforts nécessaires ont été négligeables.


« Nous espérons qu’avec le temps, la population considèrera notre centre familial comme un lieu sûr
et accueillant, ouvert à tous. Le fait de voir que même une personne à mobilité réduite peut facilement accéder à notre centre et y recevoir des soins devrait y contribuer. Nous espérons que ce centre donnera une image encore plus positive de nos services et renforcera notre acceptation dans la communauté ».



Harald Lognvik

Le centre familial est déjà opérationnel. Les services incluent toujours la santé reproductive, la santé mentale et la promotion de la santé, entre autres activités. La cohorte active de la clinique de mobilité réduite pour les maladies non transmissibles est de 72 patients. Le suivi médical dans la salle au rez-de-chaussée se fait un jour par semaine. Les patients sont satisfaits de leur accès aux soins ainsi que de la possibilité de voir également un travailleur social, un psychologue ou un pharmacien qui peuvent tous apporter leur soutien et si nécessaire donner des conseils directement aux personnes malades au lieu de transmettre des messages aux membres de leurs familles.

Dans le projet dans la partie Sud de Beyrouth, MSF gère également un programme de soins à domicile pour les patients à mobilité réduite atteints de maladies chroniques. L'équipe a consulté des ergothérapeutes sur la façon d’améliorer la mobilité fonctionnelle des patients au sein de leur domicile, et essaie d’adopter une approche globale du handicap pour améliorer la mobilité et l’accessibilité pour tous.

Celumusa Hlatswako (à gauche), conseiller mobile de MSF, parle en langage des signes avec Thulie (à droite), une patiente atteinte de MDR-TB non sourde, lors d'une formation en langage gestuel. Thulie est guérie mais elle voulait apprendre la langue des signes pour aider d'autres patients et d'autres personnes sourdes dans sa communauté. Clinique Matsapha, région de Manzini, Swaziland (Eswatini). Photo : Alexis Huguet.
Déficience auditive
suite au traiment au Swaziland (Eswatini)
Mobirise


De nombreux patients de la clinique Matsapha, une clinique MSF à part entière, proposant divers services médicaux au Swaziland, ont souffert d'une perte auditive due au traitement contre la tuberculose résistante aux médicaments (TB-MR). Les patients qui étaient auparavant capables d'entendre et de communiquer librement, sont devenus partiellement sourds ou ont complètement perdu l'audition.

Bien qu'étant pleinement informés des effets secondaires possibles, les patients n'étaient pas préparés à la perte auditive soudaine. Non seulement les patients touchés se sont isolés socialement de leur famille et de leur communauté, mais ils se sont également retrouvé devant une difficulté d’accès aux soins, , car ils ne pouvaient plus communiquer avec les infirmières et les médecins.  

Actions entreprises par la clinique

Reconnaissant les problèmes rencontrés par les patients, la clinique MSF a initié une formation en langue des signes du Swaziland afin de réintégrer les patients dans leur communauté et d’améliorer la communication avec leur famille et les travailleurs de santé. La formation visait les patients, leurs familles et les agents de santé MSF dans la clinique. Pour réaliser la formation, MSF a contacté des experts locaux en langue des signes et a embauché deux enseignants de l'école de langue des signes du Swaziland avec une vaste expérience dans le soutien des personnes sourdes et l'enseignement de la langue des signes.

Deux formations de base ont eu lieu sur une période de six mois, et un total de 12 patients, 12 membres de la famille et 40 membres du personnel ont participé. Des membres du personnel de tous les départements de la clinique - psychosociaux, infirmiers, laboratoires, médecins, interprètes, entre autres - ont été inclus dans la formation. Les patients et le personnel étaient tous deux passionnés et très motivés par la formation et l'apprentissage de cette nouvelle compétence, ce qui assurait les efforts nécessaires pour apprendre la langue des signes.

Grâce à cette formation, les patients ont pu interagir et dialoguer à nouveau avec les autres. Le personnel de la clinique a pu communiquer facilement avec les patients et intervenir en toute confiance en fonction des préoccupations des patients. Comme les patients étaient formés avec leurs proches, ils pouvaient également interagir à la maison, avec ceux avec lesquels ils passaient la plus part de leur temps après avoir terminé le traitement TB-MR. 

Mobirise

Avec les compétences acquises, ils sont passés d’une situation d’isolement dans leur vie sociale en raison de leur incapacité à communiquer, à devenir plus expressifs et à s’ouvrir à nouveau. Avec le passage à de nouveaux médicaments sans conséquences néfastes sur l'audition, le nombre de nouveaux patients pouvant bénéficier de la formation a rapidement diminué. 

Impact fondamental sur l'inclusion 

Au-delà de l’influence positive sur la qualité de vie et les soins de santé des patients initialement ciblés, l’impact des actions de MSF au Swaziland reste important en termes d’accessibilité aux soins de santé pour les patients malentendants au Swaziland.

 De manière inattendue, les personnes sourdes ont été sensibilisées à la compétence en langue des signes du Swaziland du personnel, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de patients sourds demandant des soins à la clinique pour des services non liés à la TB-MR. Ces patients ont informé le personnel de MSF qu'ils avaient eu des expériences négatives de membres du personnel impatients dans les services de santé publique.

 Grâce à cette formation, la clinique Matsapha - une clinique à part entière offrant divers services médicaux - était devenue accessible aux patients sourds.

Principales leçons apprises 

• Les projets MSF sont généralement dépassés par les besoins et d’autres priorités. Les besoins des personnes handicapées ne sont souvent pas pris en compte. Les projets MSF pourraient s’intéresser davantage aux personnes handicapées, car elles pourraient être exclues de l’accès à la santé ou à la vie sociale en raison de leur handicap. 

• Apprendre une nouvelle compétence demande du temps et de la patience. Par conséquent, le personnel participant doit être motivé pour suivre la formation. L'apprentissage de la langue des signes est difficile et requiert une assiduité et une pratique constantes. Tout le monde n'est pas suffisamment motivé pour poursuivre ces efforts. (Au départ, le personnel, les patients et les proches étaient très présents, mais avec le temps, le taux de fréquentation a lentement diminué.)

Mobirise

• L'inclusion des travailleurs de santé de tous les départements dans la formation en langue des signes a assuré l'accessibilité aux services de soins de santé pour tous les patients sourds.

• La formation n’aurait pas été un succès sans la participation des proches du patient. L'objectif de la formation était à la fois de permettre la communication avec le personnel de la clinique pour les soins médicaux, mais aussi de réintégrer les patients dans leur famille afin qu'ils ne s'isolent pas.

Ce texte est basé sur un rapport rédigé par: Fundzile Msibi , coordinateur psychosocial et Kees Keus , coordinateur médical à la clinique Matsapha, MSF Swaziland                                                                     

Les formes de tuberculose résistantes aux médicaments (TB-MR) sont difficiles à guérir, elles impliquent des schémas thérapeutiques inefficaces, longs, douloureux, toxiques, complexes et coûteux. Les traitements actuellement recommandés (juin 2018) incluent des médicaments (Kanamycin, Amikacin et Capreomycin) administrés par injection. Ils peuvent induire une perte auditive irréversible chez près de 40% des patients, en plus des nausées, des douleurs articulaires, des problèmes gastro-intestinaux et de la psychose.

MSF est impliqué dans la recherche de deux nouveaux médicaments (Bedaquiline, Delamanid) moins toxiques et ne causant pas de perte auditive aux patients. MSF Swaziland les applique actuellement - mais ils ne sont toujours pas utilisés comme traitement standard pour la TB-MR. MSF milite pour une mise en œuvre plus large de ces médicaments. 

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